JEAN ALBA

PLACE JEAN ALBA2Né le 8 mars 1924 à Mortagne-au- Perche (Orne), fusillé le 8 juin 1944 à Montgueux, au lieu-dit « le Trou de Chirac ».

Il fut l’aîné de 7 enfants d’un couple d’Espagnols, immigrés en France fin 1923 et provenant de la région de Barcelone par l’intermédiaire de réseaux migratoires organisés. C’est un exode dont les raisons furent uniquement économiques.(1) Leur premier village d’adoption est Mortagne au Perche où naît Jean. Le père est alors employé comme bûcheron. En 1925, le père trouve du travail à Villenauxe-la-Grande (Aube).  C’est là, en décembre, que naît Christiane, le second enfant du couple. La famille s’installe définitivement  à Crancey en 1926. Le père travaillera de nombreuses années en bonneterie aux Ets Dupré à Romilly-sur-Seine. Ils ont trouvé un logement, place des fêtes, qui s’avérera trop petit car le couple Alba aura 7 enfants. (2) Ils s’installent ensuite près de l’église. M. Alba travaillera quelques années avant sa retraite (1960) à Saint-Hilaire chez le pépiniériste, M. Raverdeau.

La scolarité de Jean à Crancey est satisfaisante. Il est bon élève et obtient son Certificat CEP. Les moyens manquent pour qu’il puisse continuer des études et il entre en bonneterie, à 14 ans aux Ets Jacquemard (Olympia aujourd’hui). En juin 1940,  il a la chance d’entrer à la SNCF, au service Voies et Bâtiments. Les voyages de Crancey à Romilly se font par le train des ouvriers qui  s’arrête alors dans toutes les gares. L’été, Jean préfère la bicyclette, soit 7 petits kilomètres. Jean et sa famille n’apprécient pas du tout l’occupation en 1940, les privations, le manque de liberté et de loisirs.

C’est en 1943 que Jean va se rebeller concrètement contre l’ordre établi par Vichy et par l’occupant allemand.  Aux Chemins de fer, existe une organisation de Résistance qui saura recruter de nombreux jeunes qu’on retrouvera dans différents groupes et maquis. Dès juillet 1943, Jean rentre en relation avec un groupe FFI de la région de Nogent-sur-Seine dont le chef est Camille Guérin. Sa sœur Christiane est fière de garder un certificat d’appartenance aux FFI, établi par le général Gilliot, commandant à cette période la 6° région militaire de Metz qui certifie, je le cite : «  Jean Alba , alias Jean-Louis,  a servi dans les FFI dans la région C (département de l’Aube), groupement FTPF,  Secteur de Nogent-sur-Seine, du 1.7.43 au 7.3.44 »,  et ajoutant cette mention :  «  Membre de la Résistance d’un grand courage , toujours prêt à harceler l’ennemi, à participer à de nombreux coups de mains, participant à des sabotages de voies ferrées, de convois… » Ce texte court mais officiel permet de mieux cerner la personnalité de ce combattant de l’ombre.

Jean se trouve être bientôt dans cette tranche d’âge menacée par le STO (3). Fin 1943, il décide  d’entrer dans la  clandestinité  avec deux de ses camarades venant de recevoir cet ordre impératif qui les incite à partir sans délai en Allemagne. Quand sa propre convocation arrive le 20 février, Jean est déjà dans la nature. Il a rejoint un groupe organisé à Nogent-sur-Seine sous le commandement  d’Olivier ANCEL (4) capitaine  FTPF. Les maquisards qui arrivent en nombre sous l’effet du STO, seront dirigés chez des fermiers sympathisants ou bien organisés dans différents maquis précaires. Jean se retrouve dans le maquis « Chateaubriand » de Soligny-les-Etangs, (Maitron) puis dans celui des Vignots, abrités en plein hiver dans une maisonnette de chasse près de Saint-Maurice-aux- Riches-Hommes, près de Trancault.

Une trentaine de maquisards vivent là, aidés par la population, encadrés par Camille Guérin. Maurice Renaudat et Gérard Poulain ont conseillé et aidé le groupe à s’installer (J. Schweitzer). Jean ALBA, grâce à ses compétences d’organisateur, avait été nommé sergent-chef le 7 juillet 43 (Maitron) par le Colonel André. (5) C’est pourquoi il participe aux expéditions en vue de l’organisation intérieure et militaire du maquis. Ils vont saboter des voies de chemin de fer, détruire un four chez Vachette, crever des sacs d’avoine  destinés aux réquisitions, se procurer des titres de rationnement, recueillir des aviateurs américains ou anglais… Ils opérèrent à Creney, Bréviandes, à la Coopérative de Saint-Julien ou chez Vachette.

Le 7 Mars 1944,  vers 8 heures , les nazis et les GMR  investissent le maquis. Maurice Bord et Lucien Vannier, les deux sentinelles sont grièvement blessées avant d’être achevées par les assaillants. Plusieurs Résistants peuvent s’échapper mais 4 d’entre eux sont repris plus tard et déportés. Six autres sont pris sur place, dont Jean qui devait le lendemain fêter son anniversaire. Il est emmené et torturé à la prison Hennequin de Troyes. Un tribunal allemand, celui de la Feldkommandantur 533, sous les ordres du juge Maiske et du lieutenant Richeter  condamne à mort 9 des prisonniers arrêtés au maquis, en même temps que 6 autres résistants. On leur reproche avant tout d’être des terroristes, ce qui signifie qu’aucunes circonstances atténuantes ne sauraient leur être accordées. Les nommés Caillot et Lobet, étaient aussi accusés d’être des agents recruteurs communistes. Marbach, Favier, Leclerc et Cabot agissaient à la Coopérative de Saint-Julien. Etaient-ils en relation avec le groupe de Guy Jeanson (alias Maurice Fèvre) ? Ils furent dénoncés par un nommé Aubert. Jean Alba, lui, était pris les armes à la main.  Malgré la plaidoirie de Me Jactat, et même d’un avocat allemand Me Fugmann, la sentence tombe avec brutalité : la mort !  C’est la seule peine prévue en fonction du code militaire.

Le débarquement allié sur les côtes normandes du 6 juin 1944 a probablement précipité l’application de la sentence, car le 8 juin 1944, les 15 hommes prirent en camion la route de Montgueux en passant par les Noës-près-Troyes. Des passants les entendirent chanter. Ils furent emmenés au  lieu-dit « le Trou de Chirac » où on les abattit par groupe de 5 entre 6 h 25 et 6 h 58. Un témoin dit les avoir entendu chanter la marseillaise.

TROU DE CHIRAC3Voici les noms de ces patriotes  inscrits sur le monument :

Jean Alba, Dominique Bruni,  Lucien Constant, Fernand Fournet, Maurice Lange, Fernand Romanens, A.(Victor) Caillot, Marc Leclerc, Jacques Marbach. Marcel Poilvé, Fernand Favier, Alfred Lobet, Antonio Rato, Jean-jacques Simonneau, Henri Cabot.

4  autres personnes ont été fusillées en février et mai sur ce même lieu, mais pour d’autres raisons que résistantes.

LES VIGNOTS PLAQUEAu maquis des Vignots, une plaque de marbre rappelle les noms des Résistants de ce maquis, tués lors de l’attaque ou fusillés  à Montgueux.

Jean Alba, Olivier Ancel, Maurice Bord, Dominique Bruni, Pierre Chalant, René Chartier, Lucien Constant, Fernand Fouret, Robert Herr, Maurice Lange, Jean Martin, Charles Massart, Fernand Romanens, Lucien Vanier.

Un compte-rendu de presse tenta de salir les combattants en écrivant que les accusés avaient exprimé des regrets, ce que les avocats  ont contesté.

« Si l’Express de l’Aube titre l’information de façon décente «  La cour martiale allemande condamne à mort quinze partisans de la résistance ». Les deux autres journaux ne manient pas la nuance. « Quinze individus faisant partie des bandes de francs-tireurs armés sont condamnés à mort. » La Tribune de l’Est précise : » quinze jeunes terroristes et francs-tireurs de TROYES et du département sont condamnés à mort par la cour martiale allemande. » (Laurence Jeanson : ma jeunesse bouleversée).

Un peu plus tard , l’abbé Pierlot (7) rencontra les familles , afin de leur remettre les vêtements et différents objets que ces malheureux lui avaient confié avant leurs exécutions , c’est là que la maman de Jean y trouva une lettre d’adieu si bouleversante s’adressant à chaque membre de sa famille . Egalement, l’abbé  leur confia ce qu’il savait de leurs derniers moments . La famille de Jean Alba est dépositaire d’une lettre poignante, adressée à sa famille par ce jeune résistant de 19 ans, quelques heures avant son exécution aux portes de Troyes. Celle-ci a été lue lors de l’inauguration de la plaque mémorielle, le 8 juin 2015.

A la Libération, Jean ALBA a été homologué Sergent chef FFI à titre posthume en 1947. Il fut reconnu « Mort pour la France » et reçut le titre d’Interné résistant, ainsi que la Croix de guerre avec étoile d’argent à titre posthume. Jean Alba a bénéficié d’une biographie dans le Maitron qui est parue aussi dans la nouvelle publication des éditions de l’Atelier : « Les Fusillés ». La fiche Maitron (à corriger) a été rédigée par Aurélie Pol et Jean-Pierre Besse, d’après le dossier DAVCC de Caen.

Pendant de nombreuses années, l’ANACR de Romilly, animée par Maurice Camuset, est venue déposer  une gerbe sur la tombe de Jean Alba. Ginette Collot, présidente de l’ANACR de Romilly-Nogent a prononcé, le 13 juin 2015 une biographie émouvante de ce héros de la Résistance, montrant aussi du même coup que les Français, descendants d’immigrés savaient mourir pour leur patrie d’adoption. Suivie par une centaine de personnes, cette  cérémonie organisée par la Municipalité de Crancey, l’ANACR et la FNDIRP,  a montré la force et la nécessité du devoir de mémoire qui est aussi, avant tout, un devoir de vérité.

Jean Lefèvre.

 

(1)          Les parents de Jean meurent en 1980 et 1987 et sont enterrés près de leur fils Jean au cimetière  de Crancey.

(2)         Jean, Christiane, Gabriel,  Antoine, Jacques, Huguette et Nolette , cette dernière naissant en 1942. ( De nos jours ,seules Christiane et Huguette sont encore parmi nous).

(3)         D’abord appelé SOT ( !), le STO ou Service du Travail Obligatoire en Allemagne, fut  instauré par P. Laval le 16.2.43.

(4)          Né à Nogent sur Seine le 11.7.1904.Membre du F.N de la Résistance. Fusillé le 19 août 1944 à Daix en Côte d’Or CVR, Médaille de la Résistance à titre posthume.

(5)         Il s’agit d’Albert Ouzoulias, chef militaire des FTPF d’Ile de France. Cette information donnée par l’historien J.P. Besse confirme que les maquis FTP de l’Aube et de l’Yonne avaient pour mission d’aider à la préparation de l’insurrection parisienne.

(6)         Curé de Creney, Fernand Pierlot, membre des FTP s’occupa religieusement de tous les fusillés et humainement de leurs familles. Il eut une conduite admirable pendant la guerre et eut la chance de capturer avec son groupe le Gal Schramm. Pierlot cultiva le devoir de mémoire jusqu’à sa mort à l’ANACR.

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