André Parise
Nous avons besoin de ces témoignages qui nous rappellent la réalité de l’histoire. André PARISE, qui a écrit ses souvenirs dans un ouvrage intitulé : « Une jeunesse confisquée », est né en 1924 à Troyes de parents ouvriers (teinturier et couseuse) et syndicalistes. Ils habitent à la Vacherie (quartier des Noëls et du Grand Véon). André adhére aux Jeunesses communistes en 1938 et vend l’Avant-Garde. On le retrouve résistant après l’invasion allemande. Les PARISE tirent des tracts avec Alice CUVILLIERS et les répartissent du mieux qu’ils peuvent dans la cité. Grâce à son âge, André est désigné comme estafette entre Troyes et Paris, rejoint par Léon GRAND et André PAVOILLE qui seront déportés sur dénonciation et mourront dans les camps. Le train étant trop surveillé, ils partent à vélo vers la capitale en deux étapes.
La mère d’André sera arrêtée à l’usine le 8 janvier 1942, encore sur dénonciation. Après la fouille de la maison, Suzanne (née Gauvin) est emmenée à la prison Hennequin et André dans la cave de la mairie de Troyes. Le père prévenu, se cache chez des amis à Courgerennes (chez Georges Tremet ?). André libéré, Suzanne sera transférée à Châteaubriant. Mais la police vient le cueillir à la ferme du Croc-Barret à Dosnon où il est apprenti. Violences lui sont faites. On le transfère à Chaumont puis de nouveau à Troyes, où il apprend que tout son réseau a été trahi par un des siens sous la torture et même un simulacre de fusillade. Ce résistant a été jugé et amnistié à la libération.
André est transféré à Fresnes où il retrouve sa mère. Le 22 octobre 1942, il est transféré en Allemagne, d’abord à Trêves, puis à Hinzert dans un camp dirigé par les SS (SS-Sonderlager). C’est là qu’il apprend ce qu’est « l’inimaginable cauchemar des camps de concentration nazis où la faim, la torture, la haine et les travaux forcés seront le lot de chaque jour. » La déshumanisation est en marche. La description des souffrances endurées par les prisonniers est racontée en détails. La mort est souvent au bout de ces supplices. Ceux qui reviendront seront des ressuscités du tombeau.
Le 30 janvier 1943 André est transféré à la prison de Dietz (Palatinat). Il y retrouve des amis Jean NEVEU, ROYER et Abel MARCHIZET qui mourront dans un autre camp. En octobre, André PARISE repart pour Brieg, puis Breslau (Silésie qui deviendra Wroclaw en Pologne). Là, un tribunal juge les condamnés et parfois les décapite. « Tout p’tit » est chargé du nettoyage de la machine ! C’est à Breslau que André reverra sa mère d’un court regard. Là aussi que le jeune homme, qui vient d’avoir 18 ans, fait la découverte de la solidarité entre détenus. Là encore qu’il est jugé le 6 juin 1944 (!) avec tous ses camarades de Troyes et… quelques femmes dont sa mère. Le verdict est terrible : sa mère est condamnée à mort avec André BOURELIER, René JOUVET et André MAIRE. Ces trois résistants seront décapités, mais Suzanne échappera à la mort par miracle grâce l’arrivée de l’armée russe.
Les prisonniers, tous condamnés à des peines de prison, sont emmenés à Gross-Rosen et Sachsenhausen. Beaucoup meurent à cause des atrocités commises par les SS devenus fous de rage. D’autres se suicident, désespérés.
Avant la libération définitive, qui intervient le 7 mai 1945, André PARISE a quand même eu le temps d’aller travailler dans le tunnel des V1 à Dora. Il effectuera ensuite la « marche de la mort » : 10 jours terribles à marcher et tenter de vivre. 10 jours pour aboutir à Ravensbrück où quelques-uns se cacheront dans un plafond en attendant les Russes. Les premiers soldats soviétiques s’enfuiront terrorisés par l’apparition de ces spectres.
Après des soins et de la surveillance sanitaire, la délivrance arrive seulement le 30 juin. André s’embarque dans un DC3 Douglas en direction de …la France ! Le Bourget puis l’hôtel Lutétia, partout sous les acclamations de la foule, mais aussi des familles éplorées à la recherche d’un parent disparu. A Troyes enfin, Tout P’tit retrouve son père et sa mère, elle aussi rentrée des camps. C’est évidemment la joie immense, comme de retrouver les copains du parti.
La seconde résurrection ce fut d’avoir à débaptiser un cercle « André PARISE » que Lucien DESFETES avait tenu à créer en hommage à son camarade disparu. Mais non, le disparu était réapparu. André rencontrera sa femme Ginette en militant et se mariera le 31 août 1946.
André PARISE aura du mal à se remettre de ses années terribles. Il militera à la FNDIRP et au PCF, découvrira que Staline, son libérateur, fut aussi un abominable tortionnaire. André PARISE et sa mère seront décorés de la médaille militaire, de la Croix de guerre avec palmes en 1974, puis en 1982 de la Légion d’Honneur.
Suzanne GAUVIN-PARISE meurt le 10 avril 1996. Encore une de ces femmes héroïques dont on a oublié les souffrances car elle a connu les prisons nazies du 8 janvier 42 au 8 mai 1945. Elle a raconté comment le jeune soldat soviétique qui la délivra, ému de son état lamentable, lui donna son étoile rouge.
Jean Lefèvre