LUCIEN, RENÉ BONNOT

bonnotNé le 26 novembre 1913 à Pouan-les-Vallées (Aube), fusillé le 5 août 1944 à L’Épine (Marne) ; boucher à Anglure (Marne) ; résistant, membre du Front national (1).

Lucien Bonnot était père de deux enfants. Mobilisé en 1939, il participa en 1940 à la campagne de Belgique au cours de laquelle il fut blessé. Évacué vers l’Angleterre, il y fut soigné avant de revenir à Anglure en août 1940. En novembre 1942, il rejoignit le Front national. Il hébergeait des réfractaires, des résistants et des membres d’équipages alliés, diffusait des tracts, ravitaillait le maquis et assurait les transports. Il prit aussi part à des opérations de réception de parachutages. En mars 1943, il fut dénoncé pour abattage clandestin et interné pendant trois mois. (2) Le 24 avril 1944, il participa au sauvetage de deux aviateurs américains dans le secteur de Faux-Fresnay (Marne), et il assura la sécurité de trois aviateurs alliés abattus le 4 mai 1944 lors du bombardement du camp de Mailly (Aube) par la Royal Air Force. (3) Dénoncé à nouveau, il a été arrêté le 20 juin 1944 par la police allemande et emprisonné dans l’Aube à Romilly-sur-Seine et à Troyes, puis à Châlons-sur-Marne. (4) Le 14 juillet 1944, il a été condamné à mort par le tribunal allemand FK 531 de Châlons-sur-Marne, pour assistance à des aviateurs américains. (5) Il a été fusillé le 5 août 1944 sur le terrain de La Folie à L’Épine, le même jour que deux autres résistants marnais : Pierre Bouché et Pierre Escudié. Inhumé dans le cimetière de l’Est de Châlons, le corps de Lucien Bonnot a été exhumé le 23 septembre 1944 et transféré dans le cimetière d’Anglure.

Avant son exécution, Lucien Bonnot avait fait savoir dans une lettre adressée à son épouse, qu’il avait été vendu par Charles Vallon, cantonnier auxiliaire à Faux-Fresnay, et par Jean Bourgeois. Charles Vallon avait recueilli les deux aviateurs alliés abattus en avril 1944 dans le secteur de Faux-Fresnay, et avait demandé à Lucien Bonnot de les prendre en charge, en présence de Jean Bourgeois. Arrêté en même temps que Lucien Bonnot, Charles Vallon avait été relâché. L’enquête conduite après la Libération a abouti à mettre également en cause Paul Musset, chef cantonnier à Faux-Fresnay qui avait été informé par son subordonné Charles Vallon, et qui avait remis à la police allemande un parachute et des bottes d’aviateur. Le 5 mai 1945, le commissaire du gouvernement de la Cour de Justice de la Marne a réclamé la peine de mort pour Charles Vallon qui a bénéficié de circonstances atténuantes et a été finalement condamné à 20 ans de travaux forcés et à l’indignité nationale. Au terme de plusieurs remises de peine, il a été libéré en 1951. Jean Bourgeois, innocenté dans une lettre anonyme adressée à la Cour de Justice, a été acquitté ainsi que Paul Musset, le premier avec 20 ans d’indignité nationale et le second avec l’indignité nationale à vie.

L’abbé Pierre Gillet, compagnon de cellule de Lucien Bonnot, a témoigné des violences subies par Lucien Bonnot lors des interrogatoires, et de son courage. Dans la Marne, le nom de Lucien Bonnot figure sur le monument aux morts d’Anglure et sur la liste des fusillés du monument aux martyrs de la Résistance élevé à Épernay. Il est aussi inscrit sur la plaque commémorative de la Butte des fusillés à L’Épine. Dans l’Aube, son nom figure sur le monument aux morts de Pouan-les-Vallées. Lucien Bonnot est Combattant volontaire de la Résistance et titulaire de la Médaille de la Résistance.

Documents : Archives Christian Bonnot (fils de Lucien Bonnot) Feuille de fouille de Lucien Bonnot rédigée lors de son incarcération dans la prison de Châlons-sur-Marne ; dernière lettre de Lucien Bonnot, 20 juillet 1944 ; faire-part de décès imprimé après la Libération ;  » Pour la France-À la mémoire de Lucien Bonnot  » ; citation du Commandement militaire FFI de l’arrondissement d’Épernay, 30 septembre 1944 ; citation for Medal of freedom et diplôme de gratitude signé par le général Eisenhower.
SOURCES : DAVCC, Caen. — Arch. Dép. Marne, M 7463, exécutions par les Allemands 1941-1944 ; M 4774, fusillés ou exécutés par les Allemands, liste dressée à la demande du ministère de l’Intérieur en octobre 1944 ; 7 U 62 n° 22, Cour de Justice de la Marne. — Arch. ONACVG-SD51, dossiers des CVR. — Arch. Christian Bonnot. — L’Union, 18 juin 1946. —  » Hommage à un actif résistant, Lucien Bonnot, fusillé en août 1944 « ,  » Hommage à un actif résistant, Lucien Bonnot fusillé en août 1944 « , Est-Eclair, 30 septembre 1994. — Pierre Gillet,  » Châlons sous la botte-Souvenirs de la Résistance à Châlons-sur-Marne et dans l’arrondissement (1940-1945) « , Cahiers châlonnais, n° 3, Châlons-sur-Marne, 1983, réédité en 1998. — Jean-Pierre et Jocelyne Husson, La Résistance dans la Marne, DVDrom, AERI-Département de la Fondation de la Résistance et CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2013.

Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

NOTES de Jean Lefèvre :
(1) Le Front National ou Front National de lutte pour l’indépendance a été créé en mai 1941 par le PCF sous la direction de Pierre Villon.

(2) Lucien Bonnot était ami avec les Jeanson de Baudement c.a.d. le capitaine « Jacques » (Hubert Jeanson). Un jour, il a été appelé d’urgence à la ferme pour y dépecer une vache. Une vache dont j’avais la garde et que j’avais laissée envahir un champ de trèfle. La pauvre a été « biffée » et a dû être trocardée par M. Bonnot, mais sans pouvoir la sauver. L’animal a succombé à la météorisation, étouffée par le gaz en quelque sorte. La vache convenablement découpée a été distribuée au maquis de la ferme de Varsovie. Ce qui m’avait paru suspect, c’est que je n’avais pas été grondé pour cette faute. Je ne savais pas que je venais d’aider la Résistance !

(3) De nombreux aviateurs alliés ont été récupérés par Bonnot et conduits à Baudement (3 kms d’Anglure). Parmi eux, Léon Mamoutoff qui s’illustra au maquis de Saint-Mards-en-Othe. Un chercheur, M.-F. Signoreli, tente de retrouver le parcours effectué à cette époque par quelques aviateurs abattus, en particulier Robert Brown ou Walter Harvey. Des associations en commémorent le souvenir comme « 3-4 MAI 1944 ».

(4) Une autre version de l’arrestation de Bonnot circule. Le traître Albert Lecourt (nom de guerre Lelong !) fut d’abord résistant puis retourné par la Gestapo. Malmené peut-être, il est rapidement passé à table. Il prend un habit de Feldwebel et accepte de désigner aux Allemands les Résistants qu’il reconnaissait en ville, ceux justement de la Cie France qu’il connaissait bien et qui paya du coup un lourd tribut. « Vont tomber les valeureux combattants Maurice Mizelle, cultivateur à Rigny et le boucher Bonnot d’Anglure qui fut fusillé à Châlons. » nous dit Maurice Camuset (Voir son livre : Ariel). D’autres aussi. Puis il mène les occupants à la ferme Hatat.
Albert Lelong fut jugé à Troyes (habillé en allemand), le 29 novembre 1945 et condamné à mort pour avoir dénoncé les maquisards qu’il avait côtoyés au maquis de Rigny-la-Nonneuse ou de la ferme de Varsovie : Lambert et son fils, Mizelle, Hatat, Chauve père, Laurent et Chériot, (déportés). ainsi que ceux qui furent fusillés à Creney le 22 août 1944 : Valli, Legendre, Pierrard, Ben Ahmed, Valli, Chauve fils.

(5) Au maquis de la ferme de Varsovie, Gaston Préau, un jeune de Gelannes, s’était blessé en manipulant une arme. « Il fut touché au ventre. Le camarade Marcel Petermann se trouvait à ses côtés. Une grande inquiétude régna dans le groupe. « Fred » qui disposait de pansements américains lui fit les premiers soins. On ne pouvait cependant le garder ainsi. L’intervention d’un médecin, d’un chirurgien, s’imposait rapidement. On alla quérir le boucher d’Anglure, Monsieur Bonnot, avec sa camionnette. Ce commerçant, connu de la Résistance, ne fit aucune difficulté. Notre blessé prit place dans la camionnette, transporté sur un matelas de fortune. Pendant ce temps « Fred » partit chercher le docteur Comte. L’équipage se rendit au château de Sellières, où je crois, le docteur Graffin procéda à l’opération. De l’argent avait été remis pour régler les honoraires. Les docteurs ne voulurent rien accepter. Le docteur Comte remit même une somme à notre camarade. Sa convalescence fut assurée dans les meilleures conditions possible. » Ariel. Maurice Camuset.

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