EUGENIE BLANCHON

arton975-17339Dans l’Aube, les actions de Résistance commencent très tôt avec la réunion du Château des Cours.

Eugénie Blanchon participe alors avec les hommes et les femmes communistes au ramassage d’armes abandonnées après la débâcle de 1940. Elles distribuent en cachette un tract de Maurice Thorez justifiant l’accord et la position de l’Union soviétique (pacte germano-soviétique). Elles récupèrent la nuit de l’essence répandue dans les fossés du canal sans eau du fait de la destruction des citernes de Saint-Julien par l’armée allemande. C’est également à cette époque que les Blanchon accueillent Marguerite Buffard, enseignante au lycée de jeunes filles de Troyes* qui, quelques semaines auparavant, avait épousé Jean Flavien, responsable du parti, mobilisé et fait prisonnier.

« Mlle Marguerite, comme nous l’appelions, était sortie major de l’ENS et fut révoquée du lycée de Jeunes Filles pour son appartenance au Parti Communiste. Elle a dû faire toutes sortes de petits boulots dans le textile avant d ’aller travailler dans la ferme de son mari à Voué. [...] À cette époque, une « intellectuelle » au sein de la direction du Parti n’était pas particulièrement appréciée. Mon père était prisonnier, nous confie Roger, le fils d’Eugénie. Les réunions clandestines se tenaient donc à la maison, ma mère étant seule avec trois enfants. Elle prenait de grands risques et la plus grande prudence était recommandée ».

La police française perquisitionne à deux reprises. « Ce jour-là, j’étais seul avec mes sœurs. Les flics n’ont rien trouvé, seulement deux livres » Tchapaï » et « Les marins de Kronstadt ». Par bonheur, ils sont passés à côté d’une belle collection de livres révolutionnaires fort bien dissimulés dans une cache et appartenant à Mlle Marguerite. [...] Aujourd’hui encore, parfois, je mesure la chance que nous avons eue de ne pas être arrêtés et déportés ».

Il faut savoir que Marguerite Flavien-Buffard, arrêtée, préféra se défenestrer pour ne pas parler lors des interrogatoires de la milice lyonnaise par le fameux Barbie. Une avenue troyenne porte son nom près du Lycée où elle enseigna, dans le quartier Saint-Martin. Puis ce fut la rencontre avec le professeur Langevin et son épouse qui furent mis en résidence surveillée rue Raymond Poincaré. Eugénie ignorait tout du professeur et de ses travaux. Elle fut certainement recommandée par le parti pour lui faire son ménage et sa lessive. « Après la guerre, j’ai appris que dans le linge qu’elle lui rendait propre se trouvaient des petits papiers. Le plus impressionnant pour moi c’était de voir la sentinelle devant sa porte. »

Le professeur avait une liberté restreinte, il devait pointer tous les 2 jours à la Gestapo. Il venait souvent seul à la maison, parfois « accompagné« . Il visitait la ville. « J’ai encore en mémoire sa visite aux ateliers-écoles du centre Pargeas (nom d’un industriel de la métallurgie) qui se trouvait derrière l’école des Jacobins dont le directeur était M. Badelier, j’y apprenais la menuiserie. Plus tard j’ai appris qu’il voulait m’envoyer à l’école Boulle à Paris. » **

Ces souvenirs de Roger Blanchon, un militant toujours actif, prouvent à quel point les femmes résistantes ont été longtemps ignorées. Souvent seules, à cause d’un conjoint prisonnier, ou arrêté, ou au maquis, elles continuaient la lutte avec peu de moyens, mais autant de courage et parfois plus de difficultés que les hommes. Peut-être leur fallait-il en plus de l’imagination, pour ne pas dire d’intelligence. Leur nom fut rarement évoqué et elles ne revendiquèrent pas leur héroïsme, pensant que tout cela n’était somme toute que très naturel. À la libération, les rescapées continuèrent la lutte pour faire appliquer le programme du CNR et s’occuper des prisonniers et déportés rentrant des camps. Les célèbres « Femmes Françaises » restaient mobilisées en quelque sorte.

Et Roger, dont l’émotion reste entière, conclut : « Elle était ma mère, anonyme dans la résistance, Eugénie Blanchon, maman ».

* Actuellement Marie-de-Champagne
** École supérieure des Arts appliqués

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