24 septembre 2018 ~ Commentaires fermés

LA RÉSISTANCE DANS L’OUEST AUBOIS

OUEST AUBOIS1Un nouveau livre sur la Résistance ? Était-ce bien utile ? Il y en a eu tant et tant. On attendait plutôt un travail de réflexion sur les raisons de s’engager, comme le sujet en a été donné cette année aux élèves participant au concours de la Résistance (CNRD).

Pourtant, l’ouvrage que vient d’éditer le « Collectif Romilly 39-45, « L’impossible oubli », prouve que la recherche dans ce domaine n’est pas close et qu’on peut faire resurgir de la matière historique, faire jaillir de nouveaux portraits, traquer de nouvelles pistes. Il suffisait d’aller consulter les différentes sources existantes. [1] C’est ce qu’ont fait Daniel JOURDAIN et Claude MACÉ, les deux chevilles ouvrières qui, depuis 4 ans fouillent des archives disséminées dans toute la France avec l’aide des 2 associations patriotiques que sont la FNDIRP et l’ANACR-section de Romilly sur Seine. Sans travail acharné, pas de récolte. Celle-ci est opulente.

Cette équipe passionnée d’histoire a voulu faire revivre des événements et des hommes tout en restant dans le strict respect des documents existants. La période étudiée va de 1940 à 1945 et couvre l’histoire des cantons de Romilly-sur-Seine, Nogent-sur-Seine, Méry-sur-Seine, Marcilly-le-Hayer, Villenauxe-la-Grande, Anglure (Marne) et la commune de Saint-Maurice aux Riches-Hommes (Yonne) du fait que cet ensemble de 102 communes est géographiquement et humainement  intimement lié.  

Des faits nouveaux ont été découverts et des Résistants mis en lumière. Un maquis a droit à une longue étude, celui du « détachement Chateaubriant » dit « Maquis des Vignots ». Ce maquis héroïque méritait une étude approfondie qui n’avait pas été menée jusqu’ici. Tout un chapitre a mis en avant le rôle des femmes, généralement minimisé depuis la fin de la guerre.

Ce livre vient à point pour corriger des travaux antérieurs, les enrichir et surtout montrer l’importance réelle, concrète de la Résistance dans cette région. Sait-on par exemple  que l’Aube a totalisé à elle seule plus des trois quarts des attentats, sabotages et coups de main, de la Région Champagne-Ardenne ?  Et l’ouest du département en a pris la plus large part.

Pas à pas donc, l’ouvrage retrace les faits à partir de la déclaration de guerre jusqu’à la Libération. Il analyse la lente entrée en résistance des principaux acteurs et groupes, la formation des triangles après la dissolution  du PCF, les premières arrestations qui démantèlent les réseaux constitués, leur  reconstitution, la naissance des maquis assez tardive.

Une longue étude fait renaître ce maquis FTPF des Vignots, créé par Olivier Ancel, oscillant entre le Bois de Ferreux et le Bois du Vignot et baptisé Chateaubriant du nom des fameux martyrs fusillés le 22/10/41.

Ce maquis qui aura duré 6 mois, sera démantelé le 7 mars 1944. Treize  maquisards y perdront la vie, la plupart comme prisonniers, condamnés à mort et fusillés. Les auteurs donnent force détails sur  la vie au maquis et sur les 33 braves qui le composent

C’est ensuite la Compagnie France qui est passée au crible (lieux et hommes répertoriés). Née à Baudement (51)  par l’engagement d’un jeune cultivateur, Hubert Jeanson, qui est le recruteur du Front National [2], elle créera des groupes de partisans actifs et des maquis (Ferme de Varsovie à la Chapelle-Lasson, maquis de la Traconne, de Rigny-la-Nonneuse (127 hommes) où mourra le chef  Albert Lafon, maquis de la ferme du Courtillot, La Cie France avait pour mission la création d’un front intérieur capable d’aider la résistance parisienne de Rol-Tanguy et Albert Ouzoulias.  Elle dut s’en tenir à des actions plus limitées car la répression fut féroce. Comme par ex. ces 49 maquisards  fusillés à Creney le 22 août 1944, dont le capitaine Hubert Jeanson, et fusillés par la Gestapo de Rennes en retraite parmi laquelle sept SS bretons du groupe Bezen-Perrot.

Les témoignages sont là pour illustrer chaque chapitre. Gisèle Baugrand, sur la déportation de son père Mary Favin, Louisette Masson-Adani sur la mort de son père Charles Masson, fusillé, Bernard Bruley et André Regard sur le maquis de Rigny, Roland Fèvre sur les arrestations de la Cie France, Jean Lefèvre sur les femmes engagées à Baudement dans la Résistance. Le livre analyse aussi les mouvements existants et actifs dans cette région Ouest de l’Aube, le CDLL, Libération, le réseau Samson, résistance-fer, la Cie En avant, le groupe le « Jonc marin. » et différents groupes plus ou moins indépendants. A noter que le BOA [3], actif dans la forêt d’Othe, fournira des armes aux maquis FTPF, malgré les consignes anglaises ou gaullistes.

La VIème partie la plus émouvante, retrace le parcours d’une centaine de combattants qui ont donné leur vie pour la liberté. Voir ces portraits d’hommes généralement jeunes, sérieux ou souriants, dans des poses d’avant-guerre, juste avant que la mort ne les fauche, mesure mieux dans doute que les fosses de Creney, toute l’horreur  du crime des nazis. C’est la vie juste avant que la balle de l’assassin ne la nie et ne la broie. C’est un couple amputé, un projet empêché, un espoir anéanti… Le but de ce travail est animé par de hautes considérations civiques puisqu’il doit servir notre société, alimenter notre réflexion et dire aux jeunes qui le liront d’où ils sortent et quel chemin ils devraient suivre. Car aujourd’hui, l’Europe sent le nazi. Ils sont casqués à Toulouse, ils ont mis  Orban, en orbite, ils poussent aux lois scélérates en  Pologne, Ukraine, Lettonie,  Autriche. Les voilà au gouvernement en Italie.  Les loups entreront ils de nouveau   dans Paris , comme le chantait  Reggiani ?  Et ce monde aussi, sent la guerre.

Que ce livre est donc le bienvenu, pour connaître qu’on peut s’organiser en toutes circonstances, les plus imprévues et les plus graves. Les auteurs de cette étude préparent un second volume qui complétera ces travaux et abordera d’autres thèmes liés à cette période : la défaite, la vie sous l’Occupation, la spoliation des biens juifs, le STO, les dégâts dus aux bombardements, la Libération, le retour des camps, l’épuration.

Une exposition de tous ces travaux s’est tenue  à l’Eden de Romillly et circule dans le département. Le volume : 278 pages, 13 €, FNDIRP 8 rue des genêts 10100 ROMILLY S/Seine. (frais poste 8 €)

Jean Lefèvre.


[1] Archives de l’Aube, de la Marne, du personnel SNCF de Béziers, Caen, Maitron, interview des familles etc.

[2] Front national de lutte pour la Libération  et l’indépendance de la France, créé en mai 1941 par le PCF.

[3] Bureau des Opérations Aériennes dont Marius Baudiot fut le chef.

OUEST AUBOIS2

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