RIGNY-LA-NONNEUSE : CÉRÉMONIE PATRIOTIQUE
Chaque année, l’anniversaire de l’attaque du maquis de Rigny, le 14 juin 1944, est une belle réussite du fait de l’engagement de la municipalité de Rigny et des associations patriotiques (ANACR et ULAC) qui entretiennent le souvenir de ce maquis.
On se plaint parfois que la foule ne se précipite pas aux cérémonies patriotiques. Cela a été dit pour Montgueux (Trou de Chirac et Montchaud). Cela est sans doute dû à un manque de préparation. Depuis la Libération, l’ANACR et la FNDIRP de la région de Romilly ont toujours vigoureusement préservé la mémoire de la Résistance, et milité pour fidéliser les familles et le public. Le devoir de mémoire est accompli trop souvent sans approfondissement, comme une corvée, un devoir justement. Or la mémoire « s’entretient », dit l’historien Michel Vovelle et s’enrichit par le travail de mémoire. A preuve ce nouvel opus sur lequel une équipe travaillait depuis 4 ans et qui donne lieu à une exposition itinérante, présente à Rigny et montée pour cette seule journée !* Ainsi, les auteurs de ce travail tentent de faire passer « le relais, le souffle, l’esprit »** de la Résistance.
Le monument de Rigny, inauguré le 31 août 1947, fait aussi partie de la symbolique qui mobilise le devoir de mémoire. Y figurent 61 noms de Résistants massacrés les jours qui ont suivis et qui appartenaient à différents maquis (Vignots, Saint-Mards, etc.). A Rigny, il n’y eut qu’un seul tué, leur chef Albert Lafon, dit Rivoire, grièvement blessé au début de l’attaque et qui mourut le 17 juin, bien que réfugié dans une famille amie. Les autres noms sont des Résistants capturés, torturés et fusillés ensuite ou massacrés sur place (Vignots, Saint-Mards, Creney, Origny-le-Sec).
Rolande Barthélémy, la nouvelle présidente de l’ANACR, remplaçant Ginette Collot toujours présente, raconta cet épisode glorieux.
« Ce maquis était commandé par Rivoire, un ancien des Brigades Internationales, envoyé par le vrai Front National de l’époque pour encadrer les combattants. Vont arriver peu à peu des Résistants du maquis du Vignot, des gendarmes de Nogent en tenue, des Russes évadés de la Belle Idée, et la plupart des maquisards de la ferme de Varsovie qu’avait créée Hubert Jeanson, responsable régional avec sous ses ordres Maurice Camuset et François Impérial auxquels sont venus se joindre des jeunes de Romilly, la plupart étant cheminots. Les groupes des arrivants étaient venus avec leurs armes. Les visiteurs du chemin de la mémoire peuvent encore découvrir, dans ce bois, la carcasse du vélo de Maurice Camuset pendu à une branche. La survie du maquis était assurée grâce à la complicité de gens de la région, tels le jeune Maurice Mizelle qui ravitaillait en eau et le boulanger de Marigny-le-Châtel en pain, ceci pour 125 hommes. »
Les 3 intervenants (+ la maire de Rigny, la Sous-préfète) surent dire à leur façon la nécessité de ces commémorations au moment où l’Europe voit monter les dangereuses idées d’extrême droits responsables de la dernière guerre. Ce qui nécessite un effort encore plus grand d’éducation historique (le « travail de mémoire ») afin de connaître les raisons de la défaite de 1940, dues davantage à la trahison qu’à la faiblesse militaire. Depuis que l’historien américain Robert Paxton a su démontrer la réalité de la collaboration effective et volontaire de Pétain et du gouvernement de Vichy, les choses se sont éclaircies et ne sont plus contestées. Quant à la préparation de la défaite par ces mêmes forces collaboratrices, en particulier les partis d’extrême droite et le grand patronat, c’est à l’historienne Annie Lacroix-Riz que nous en devons l’analyse.
Rolande Barthélémy terminait en rappelant que le sacrifice des Résistants aboutira en 1945 à la renaissance de la République avec de nouvelles avancées sociales tirées du programme du CNR, tandis que la sous-préfète concluait comme en écho : »Aujourd’hui plus que jamais la devise de notre République « Liberté, Égalité, Fraternité » doit être exprimée par chacun de nous. »
Jean Lefèvre.
* La Résistance dans l’Ouest aubois, Claude Macé, Daniel Jourdain et un collectif, 13 €.
** Michel Vovelle, Mémoires vives ou perdues, Ed. de Paris.