« CES VALEURS QUI ONT ANIME NOS DISPARUS »
Intervention de madame Ginette Collot, présidente de l’ANACR, section de Romilly-Nogent, le 13 juin 2015, jour de la commémoration du maquis de Rigny-la-Nonneuse.
“Un petit point noir parmi d’autres petits points noirs sur notre carte départementale, c’est ce petit village qui s’appelle Rigny-la-Nonneuse, celui-ci qui est devenu un lieu symbolique de notre histoire régionale. Comment en est-il arrivé là ? Un jour de juin 1940, notre belle France, pays des droits de l’homme est agressée, envahie. La nuit noire nazie s’abat chez nous. Le traître Pétain qui choisit la capitulation, cherche à entraîner notre peuple dans la collaboration. Si certains s’y complaisent, d’autres font le choix de la résignation. Mais, malgré l’occupant, ce fut des profondeurs de la Nation, que, de jour en jour, vont se lever les combattants de la liberté. De conditions sociales différentes, « Ceux qui croyaient au ciel, et ceux qui n’y croyaient pas » vont affirmer leur volonté bien déterminée de ne pas accepter la défaite et la collaboration.
C’est là que s’écrit la page d’histoire de notre région. La génération d’alors va préparer les Jours de lumière par ses sacrifices, ses combats, et alors que tout est noir à l’horizon, elle va ouvrir la voie de l’avenir, l’occupant va comprendre qu’il faudra compter avec elle. Et, quel dangereux et exaltant parcours va être celui de ces combattants de l’ombre !
Les structures définitives de la Résistance sont mises en place dès la création, le 27 mai 1943 du CNR par Jean Moulin. Déjà, la « Résistance civile » (1) dont l’importance est insuffisamment reconnue, est organisée. Tout en restant dans la légalité, ces combattants de l’ombre mènent la vie dure à l’occupant. Mais les répressions, les arrestations s’intensifient, il va falloir entrer dans la clandestinité : c’est la « Résistance armée ».
COMPAGNIE FRANCE
Dans notre secteur, des petits maquis s’organisent, tel début 44 celui des Vignots, un peu plus tard, ce sera « La ferme de Varsovie », avant de rejoindre ce maquis de Rigny, installé dans la forêt derrière nous. Ce sera « la Compagnie France » celle-ci devant rejoindre la région parisienne pour participer à la libération de la capitale, en liaison, avec la division du légendaire colonel Fabien. 125 jeunes peupleront ce maquis local. Ces combattants sont tous des volontaires, sachant bien pourquoi ils mènent ce combat, ce combat qui, pour la quasi-totalité est leur baptême du feu. En effet, beaucoup sont très jeunes, le plus jeune ayant tout juste 18 ans. Ils sont en pleine mutation, vont vivre leur 1ère expérience, venant d’entrer dans leur vie d’homme. C’est là tout leur mérite. Ils vont tous être ces petits maillons qui ont fait cette grande résistance.
RIGNY-LA-NONNEUSE
Mais, hélas, certains d’entre eux ne pourront arriver au bout du chemin. Car, l’occupant n’ignorait pas l’existence de ce maquis. Un petit avion, que les maquisards appelaient « le mouchard » survolait fréquemment cette forêt. Et, c’est en cette terrible journée du 14 juin que les nazis ont attaqué ce maquis. Leur commandant, surnommé Rivoire, qui était en reconnaissance, a été grièvement blessé. Il mourra quelques jours plus tard. Après le décrochage, différents groupes se forment et prennent des directions différentes. D’autres rentrent chez eux ou sont hébergés chez des fermiers. Mais, parmi ceux-là, 15 seront arrêtés, la plupart suite à dénonciation. Internés à la prison de Troyes, ils seront fusillés par les SS de la Gestapo de Rennes auxquels s’étaient joints 3 autonomistes bretons.
JEUNESSE GLORIEUSE
Ces martyrs inoubliables étaient une partie de cette jeunesse résistante représentant la vraie France, la France de De Gaulle, la France de Jean Moulin. Ils n’ont pas connu la victoire, mais ils ont contribué à la rendre possible, à la rendre certaine. Ils sont entrés dans la légende, et sont devenus une référence prestigieuse pour les citoyens que nous sommes.
NE PAS OUBLIER LES FEMMES
Cette jeunesse résistance avait de multiples visages : des chrétiens, des non-chrétiens, des gaullistes, des communistes, des socialistes, des immigrés, et parmi tous ceux-là, n’oublions pas qu’il y avait aussi des femmes et des jeunes filles dont les engagements n’ont pas toujours été bien reconnus. Pourtant, les épreuves des années 1939/1945, l’expérience acquise après les multiples actions qu’elles menèrent, leur donnèrent pour l’avenir, une certaine force, une conscience plus haute de leurs devoirs, mais aussi de leurs droits. La grande majorité d’entre elles étaient dans la à-lettres, cache-d ‘armes, agents de liaison, etc. De ce fait, elles étaient plus exposées à l’ennemi. Rappelons-nous que beaucoup ont donné leurs vies pour notre pays. La lutte de tous ces patriotes contre les nazis, contre les collaborateurs de Vichy a donné un sens aux idées de liberté et de démocratie. La lutte de toutes ces femmes et de tous ces hommes que rien de prédisposait à l’héroïsme, qui ont fait face aux risques, aux souffrances, à la mort, leur lutte a donné à la Résistance ses lettres de noblesse. Nous devons de leur être fidèles, fidèles à leur souvenir comme cela se fait ici chaque année depuis une soixantaine d’années. Rendre hommage à leur combat, cela veut dire aussi, le poursuivre aujourd’hui et demain.
LA LEÇON A RETENIR
Nous sommes dans un monde qui connaît toujours les guerres, le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme. Rappelons-nous le drame qui a endeuillé notre pays en début d’année. Oui, il faut poursuivre le combat de nos héros, en combattant la résurgence des thèses néo-fascistes, néo-nazies. Soyons vigilants, alors que les disciples attardés du nazisme entretiennent un certain climat nauséabond. Contre tout cela, des remèdes doivent être recherchés, en particulier par des rencontres avec la jeunesse, pour la mettre en garde, pour lui transmettre les valeurs de la Résistance, valeurs qui ont animé nos disparus, tels ces 62 Héros dont les noms sont gravés sur cette stèle, dont je rappelle qu’elle a été inaugurée le 31 Août 1947(2), stèle surplombée de ces 2 maquisards, ces 2 veilleurs figés dans la pierre, là , pourrait-on penser pour garder ce lieu qui a une grande histoire .
J’en terminerai, non sans avoir dit que : Rigny-la-Nonneuse, votre village, Madame le Maire a sa page d’histoire nationale et fait partie du patrimoine historique départemental. Mais, il ne faut surtout pas oublier non plus, que ce fut possible aussi, grâce aux habitants d’alors de Rigny et des alentours, qui ont apporté leurs aides efficaces à ces maquisards, tels le ravitaillement, les renseignements, etc. J’ai en cet instant, une pensée respectueuse pour les frères Jean et Maurice Mizelle, pour M.Dauvet et bien d’autres dont les noms m’échappent, je m’en excuse auprès d’eux, car, sans eux, tout aurait été différent, tout aurait été encore plus dangereux .
HONNEUR A TOUS NOS PATRIOTES RÉSISTANTS ! »
(1) Résistance non armée des civils qui ne sont pas dans les maquis.
(2) C’est le maire de Romilly, Maurice Camuset qui initia ces commémorations.