LES MAQUIS GLORIFIES
Pour le 70ème anniversaire des combats qui eurent lieu dans l’Aube en juin 1944, il faut féliciter les élus et les associations d’avoir organisé deux cérémonies dignes et largement suivies.
A Rigny-la-Nonneuse, le sous-préfet, le maire et ses conseillers, le collège, son principal, des professeurs et des élèves, les associations d’anciens combattants, le beau temps peut-être, tout a concouru à témoigner du caractère solennel de cette cérémonie. Me Agnès Mignot, maire, a fait ériger une plaque mémorielle dans le bois où se déroulèrent les combats. Cette stèle met en avant la Cie France des FTPF, que créa Hubert Jeanson de Baudement. La cérémonie avait débuté au pied du monument où la jeune Gaëlle du collège Jean Moulin de Marigny avait lu le discours préparé par Jean Girost*. Ce monument possède l’originalité de porter les noms de tous les combattants morts dans cette région de l’Aube. Un chemin de mémoire a conduit ensuite les visiteurs jusqu’au Bois des Boulins où d’anciens francs-tireurs purent témoigner.
Ce maquis était commandé par Albert Lafon, dit Rivoire, un ancien des Brigades Internationales, envoyé par la direction du PCF pour encadrer les combattants. Vont arriver peu à peu des résistants du maquis du Vignot (Myrtil Simonnet, Camille Guérin, organisateur de ce maquis), des gendarmes en tenue (M. Dupire), des Russes évadés de la Belle-Idée, et une centaine de maquisards de la ferme de Varsovie qu’avait créée Jeanson. Les groupes des arrivants étaient commandés par Jean Girost, François Impérial ou Maurice Camuset, dont les visiteurs peuvent encore admirer la carcasse du vélo, pendu à une branche. Un important armement fut amené par camion par des routes et chemins détournés. Le jeune Maurice Mizelle** assurait le ravitaillement. Mais le maquis est attaqué le 14 juin 1944. Rivoire est grièvement blessé lors d’une reconnaissance. Il mourra dans une ferme amie à Fontaine-Mâcon le 21 juin. Grâce à sa bonne organisation, tous les résistants peuvent échapper. La plupart seront dirigés le 20 juin au maquis du pays d’Othe. Ils arriveront la veille de l’attaque du maquis.
Même affluence et même émotion de Nogent à Saint-Mards-en-Othe. On monte d’abord le chemin défoncé qui part de la mairie de Nogent pour aboutir à la stèle en pierre où se trouvait le PC du maquis, attaqué le 20 juin 1944. C’est l’occasion de prises de paroles pour rappeler le sacrifice des 27 maquisards abattus par les SS allemands et ukrainiens, commandés par Schramm et guidés par des miliciens français, dont le fameux Pigné, «l’homme au chapeau vert» qui paiera son crime à la Libération. Pour agir contre «les bandes de terroristes», le haut commandement allemand a décidé d’appliquer début 1944, les principes en vigueur sur le front de l’Est. Il donne une grande marge de manoeuvre aux militaires allant jusqu’à la «brutalisation» des populations, dans le seul but de les terroriser. Ce fut le cas un peu partout, à Oradour, Tulle, Maillé ou Buchères et des dizaines d’autres lieux.
Le décret du maréchal Sperre du 3 février 1944 anéantit tous les arguments des descendants des collabos qui continuent à rugir contre la Résistance qui aurait dû se tenir tranquille ! Dans l’Aube, tous les maquis furent attaqués et détruits sans toutefois réussir à capturer la grande majorité des patriotes. Les Allemands subirent des pertes importantes (quarante hommes ici).
Le cortège se dirigea ensuite vers La rue Chèvre où trois maquisards furent massacrés. Il se retrouva devant le monument de la Mivoie où discours, chants, hymnes furent interprétés. Les enfants des écoles lurent avec beaucoup de talent des lettres de fusillés, dont celle du poète Manouchian, héros de l’Affiche rouge.
De telles commémorations demeurent nécessaires. On ne doit pas les confondre avec d’autres. Les guerres ne se ressemblent pas. Chacune apporte aux citoyens des leçons différentes. Celle de 1940-45 a désigné un ennemi bien plus dangereux que le nationaliste et qui s’appelle le fasciste. Il ne tue pas que le combattant, il tue la démocratie. Le maire de Nogent-en-Othe (lire son discours) rappela qu’un bon devoir de mémoire passait par l’enseignement de l’histoire, encore faut-il que cet enseignement n’oublie pas d’analyser «les évènements sociaux et politiques», ceux dont nous parlait Annie Lacroix-Riz à l’UPOPAUBE et qui menèrent la France à la défaite, à la collaboration et la tentative heureusement avortée de destruction de la république. Avortée grâce à la Résistance qui chassa le soldat et tua le fascisme, offrant à la France l’espérance des «Jours heureux».
Jean Lefèvre
* Jean Girost, qui vient de mourir à Esclavolles-Lurey, devint ces dernières années président de l’ANACR. Me Mignot dédia cette journée commémorative à sa mémoire.
** M. Mizelle fut trahi par la suite par Lelong, torturé et enfermé à Hennequin. Ce résistant fut un de ceux qui aida à l’auto-libération de la prison le 22 août.